Sumario: | Depuis 2012, les mobilisations françaises contre louverture du mariage et de ladoption aux unions de même sexe ont défrayé la chronique, tant en France quà létranger. Celles-ci ont révélé lexistence dun mouvement sans précédent, dont lagenda dépasse largement la reconnaissance des droits des homosexuel.le.s. En effet, ces opposants ne refusent pas seulement le droit de se marier ou de devenir parents aux couples de même sexe, mais dénoncent aussi ce quils appellent l«idéologie» ou la «théorie du genre». Cette «idéologie/théorie», qui nierait laltérité sexuelle et refuserait de penser les relations entre hommes et femmes sur le mode de la complémentarité, constituerait une dangereuse menace pour lhumanité. Pour cette raison, les groupes appartenant à cette mouvance ont élargi leur champ daction et se mobilisent par exemple contre lenseignement du genre dans les écoles ou à luniversité. Si ces mobilisations ont pris des allures spectaculaires dans lHexagone, on les retrouve avec des fortunes diverses dans un grand nombre de pays. Elles se manifestent aussi au sein dinstitutions internationales telles que le Conseil de lEurope ou lONU. À partir dune relecture dauteurs comme Judith Butler, l«idéologie/théorie du genre» offre un cadre analytique permettant de dénoncer les détournements de langage auxquels se livreraient indistinctement théoricien.ne.s du genre, militant.e.s féministes et activistes LGBT et dembrasser ces trois ennemis de manière simultanée. L«idéologie/théorie du genre» constitue ainsi un outil puissant de contre-offensive idéologique et un instrument de lutte contre les avancées en termes de droits. Comme le montre ce numéro, ce discours est particulièrement présent au sein de lÉglise catholique qui, de certaines communautés locales aux plus hautes instances de la hiérarchie vaticane, dénonce avec véhémence les méfaits supposés du genre et se mobilise pour les contrer. Ce numéro thématique sarticule en trois parties. Il pose tout dabord quelques balises historiques et théoriques et situe ces mobilisations dans un cadre sociologique et idéologique plus vaste. Il sintéresse ensuite au cas français et souligne tant lexemplarité que la singularité des débats récents dans lHexagone. Dans un troisième temps, il compare ces mobilisations à ce qui sest passé dans dautres pays et aborde des enjeux similaires en Belgique, en Espagne, en Italie et au Mexique.
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